Le cheminement ayant conduit à choisir le terrain de la Source comme siège de l’actuelle université ne s’est pas fait d’un seul tenant et est étroitement lié au contexte de l’époque. Le début des années 60 est en effet marqué par une densification de l’enseignement supérieur. Face au nombre croissant d’étudiants qui reste essentiellement concentré dans les universités parisiennes s’engage un mouvement de décentralisation qui va favoriser les villes proches de la capitale, telles Orléans.
A ce mouvement de décentralisation parisienne s’ajoute la volonté de la municipalité d’Orléans et en particulier de son maire : Roger Secrétain élu le 20 mars 1959, de dynamiser la ville. Dans cette recherche de dynamisme, faire renaitre l’université d’Orléans considérée comme l’une des plus anciennes d’Europe, apparait comme un point clé.
Le lendemain de son élection, est évoqué la possibilité d’installer un Collège Scientifique Universitaire à Orléans. Cette perspective est aussi marquée au plus haut sommet de l’Etat : dans une lettre datée du 10 septembre 1959, le Premier Ministre Michel Debré déclara ainsi :
« Je tiens à vous dire que je suis toujours avec attention le problème de la décentralisation parisienne et qu’Orléans ne peut être oublié ! ».
Michel Debré, lettre du 10 septembre 1959
A la même époque, la ville d’Orléans fait face à une crise du logement due à une population toujours croissante. La municipalité se doit également d’accueillir, à demande de l’Etat, les rapatriés d’Algérie. Cette crise du logement impacte le projet d’université : le manque d’espace disponible intramuros conduit à l’impossibilité de construire à Orléans même. Choix qui aurait conduit à détruire des édifices venant à peine d’être reconstruits après la Seconde Guerre mondiale, ce que refuse à faire le maire Roger Secrétain.
Ces deux facteurs, combinés à celui d’un foncier moins cher, conduisent la municipalité et le Conseil général du Loiret à acquérir conjointement en 1959 le domaine de la Source ainsi que son château. A l’époque, le domaine est rattaché à la ville de Saint-Cyr en Val.
A la différence de l’aire urbaine d’Orléans pleinement reconstruit après la Seconde Guerre mondiale, le domaine de la Source est « un espace champêtre et arboré où le Loiret, affluent de la Loire, prend sa source au lieu-dit « Le Bouillon » ». Ce qui prendra plus tard le nom de quartier de La Source n’est qu’un espace boisé dénué de tout bâti à l’exception du château de la Source.
En parallèle de cette acquisition, en mars 1959, se réunit un comité d’expansion universitaire. Celui-ci, nouvellement créé, est chargé dans un premier temps de réfléchir à l’emplacement du futur campus. Parmi les terrains envisagés se trouve notamment la propriété de Saint-Loup à Saint-de-Braye mais également le château de la Source. Après plusieurs mois de réflexion, et compte tenu du nombre d’étudiants envisagé, c’est ce dernier qui est retenu comme étant le lieu du futur centre universitaire.
Le projet d’Orléans II
Émerge l’ambitieux projet d’« Orléans II », porté par Roger Secrétain, en collaboration avec le recteur de l’académie Orléans-Tours, Gérald Antoine. Ce projet, mené de 1963 à 1978, comprend la construction de la ville nouvelle et celui de l’université. En 1962, Pierre Sudreau alors ministre de l’Education Nationale confie aux architectes Louis Arretche et Olivier-Clément Cacoub la réalisation de la ville et du campus. Les deux architectes travaillent conjointement en harmonisant leurs plans.
Ce qui est alors qualifié d’« Orléans II » prendra son nom définitif ; Orléans-la-Source en 1964 avec le rattachement du quartier à la ville d’Orléans, est caractérisé par sa position excentrée par rapport à Orléans nord. Cette position excentrée et la création concomitante de la ville nouvelle de la Source, va faire naitre, chez les porteurs du projet, la volonté de construire un campus autonome à l’image des campus nord-américains. Très vite, l’université apparait dans les journaux comme en tant que « Oxford français », appellation attribuée à Pierre Sudreau et notamment déclinée dans la presse en « Oxford-sur-Loire ».
Le domaine de la Source étant dénué de tout aménagement au début des années 60 en dehors du château de la Source, le Collège scientifique universitaire s’installe dans un premier temps au château puis dans des préfabriqués. Signe de la collaboration et de l’implication du maire d’Orléans Roger Secrétain et le recteur Gérald Antoine, la municipalité va participer au financement des installations provisoires sur le domaine du château en attendant le financement, par l’Etat, des aménagements définitifs.
Une volonté d’inclusion du campus dans la ville
Suivant la conception du campus à l’américaine, le projet de développement de la Source envisage la ville et le campus universitaire de manière inclusive. Au-delà de son rôle d’enseignement, l’université est à l’origine pensée comme un lieu de vie, de rencontre accueillant aussi bien les étudiants que les habitants de la Source.
En témoigne, le projet initial tel qu’il ressort du plan de masse ; en plus des installations prévues pour les différents enseignements était prévu, gravitant autour d’un lac artificiel, conçu par Olivier-Clément Cacoub, la création d’un forum. En son sein, était envisagé un projet de Maison des étudiants, ouvert à la fois aux étudiants et à la population de la Source. Cette Maison devant inclure un « un théâtre expérimental, un studio de radio-télévision, un club de photo-cinéma, un lieu d’expositions, des salles de musique et de danse ». Ce projet restera finalement lettre morte.
Tout, dans le projet initial est pensé pour faire du campus universitaire un lieu de rencontre, intégré au quartier de la Source, ce qu’illustre l’absence de clôture ainsi que les allées ouvertes pour les habitants autour du lac. Au Nord du domaine de la Source, jouxtant le parc floral, conçu en 1963 par Louis Arretche, s’installe le campus universitaire, un lycée et le C.N.R.S qui installe certains de ses laboratoires à la Source. En effet, la volonté conjointe de Roger Secrétain et Gérald Antoine est également de faire d’Orléans-la-Source une ville tournée vers la recherche. Ainsi, en plus du C.N.R.S s’installe le B.R.G.M. Plus au Sud, directement accolé au campus universitaire est installé le centre urbain : « c’est la ville neuve d’Orléans II qui fournira à l’université et au C.N.R.S un cadre urbain moderne et complet »
Cependant, là encore, le lien entre le campus et la ville n’a jamais pu se concrétiser. Tout d’abord, dans sa conception même, la partie urbaine n’était pas apte à créer ce lien avec l’université. De manière plus concrète, à Orléans-la-source, la politique du logement a privilégié les grands ensembles, qui bien qu’à l’époque était symbole de modernité et est occupé par des classes sociales plutôt supérieures, ainsi susceptibles de produire des étudiants pour le campus universitaire. Dans les années 70, le niveau de confort glissant et montant en gamme, la population déserte ces grands ensembles et leurs problèmes d’isolation sonore, pour des maisons de type individuelle. Au final, malgré la volonté originelle de ses concepteurs, aucun véritable lien ne s’est jamais créé entre le campus universitaire et le quartier de la Source.
Vous trouverez la bibliographie utilisée pour cet article ici.
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